Note de l’auteur
Prétendre écrire une suite au Misanthrope de Molière – en alexandrins, comme l’original ! – était une pure folie. J’ai pourtant tenu ce pari, avec pour récompense un accueil enthousiaste du public. Il faut dire que la situation d’Alceste et de Célimène, à la fin de la pièce, donne envie de savoir ce qu’ils vont devenir : elle, haïe de tous et conspuée par la Cour ; lui, parlant de se retirer du monde qu’il exècre. J’ai donc imaginé une Célimène reniant la Noblesse pour épouser un riche bourgeois et un Alceste entrant dans les ordres par dépit amoureux. Mais l’homme est brillant, et loin d’être un contemplatif, il est devenu cardinal, c’est-à-dire le personnage le plus puissant de France après le roi ! Donner un tel pouvoir à un idéaliste un peu paranoïaque était le pire destin qu’on pouvait lui forger. Cette comédie reste d’une actualité brûlante. Faire de la Célimène de Molière une résistante face au parti des dévots était un défi un peu fou… que j’ai relevé, au nom de toutes les femmes.
Jacques RAMPAL
D’hier à aujourd’hui, le défi dénonciateur de l’alexandrin
Et si le Misanthrope de Molière avait une suite ? Jacques Rampal l’a imaginé en créant « Célimène et le cardinal » même si, selon certaine critique, il allait droit au suicide.
Poquelin ? Pure folie ! Pourtant, la pièce est un petit bijou de malice et de satire que Molière n’aurait sans doute pas renié. Écrite en alexandrin, le verbe n’en est pas moins contemporain, et les sujets traités, d’une brûlante actualité.
Bien que la pièce présente avant tout les retrouvailles entre les 2 amants, elle est ainsi l’occasion pour le public de réfléchir au poids de la religion et à la place des femmes dans la société, – hier, aujourd’hui, demain ; ailleurs et ici – et aux nombreux interdits combattus et à la vigilance nécessaire toujours.
Au-delà de la confrontation, du régal que constituent ces échanges entre un représentant du culte et Célimène qui laisse aussi entrevoir la violence du radicalisme religieux, c’est du refus de la soumission qu’il s’agit. Celle attendue, exigée et souvent obtenue de la femme. Célimène questionne avec une finesse et une ironie qui déconcertent son interlocuteur et surtout le heurtent : la liberté de penser qu’elle affiche l’amène à n’excuser aucun des abus commis et à refuser de se laisser entraver par l’approche moralisatrice qu’Alceste tente de lui imposer. Au départ dogmatique, il se révèlera tyrannique.
Célimène et le Cardinal propose la confrontation de deux visions du monde incarnées dans deux êtres qui se sont aimés et se croisent à nouveau. C’est un face à face étonnant qui nous renvoie aux stéréotypes mortifères de notre XXIème siècle.
Aller plus loin
La pièce, deux personnages, un huis-clos, l’action se déroulant à la fin du XVIIème siècle, s’inscrit parfaitement dans la configuration du petit Théâtre Les Salons, dont l’esthétique classique et la dimension procurent toujours intensité et intimité merveilleuses aux spectacles qu’il accueille.
Mais si l’objectif premier est de fournir au public de la région romande et de la France limitrophe une belle occasion de réfléchir à certains sujets brûlants de notre temps, le projet, léger à déplacer, prétend aussi porter une dimension pédagogique en ce qu’il prévoit, à côté de continuer en tournée en 2024, de proposer Célimène et le Cardinal à un public du second cycle scolaire.